Alabenne a formulé ce samedi :
...
Post by AlabenneEt ce n'est parce que des faux prophètes avaient de fausses recettes de
bonheur, qu'il n'apparaitra pas un jour un vrai prophète avec une vraie
recette.
Des faux prophètes nous disaient que la terre était le centre du monde,
qu'elle avait été créée en 6 jours, et je ne sais quoi encore. Et petit à
petit, ils ont dû fermer leur grande gueule. Donc faut pas désespérer.
Elle a du attendre combien de temps, l'humanité, pour avoir le gaz, l'eau
courante à tous les étages, et l'électricité.
Tu l'aurais dit à César lui-même, il t'aurais pris pour un fou.
Tous les prophètes sont des faux prophètes, parce que le problème est
bien moins les personnes que le principe dont elles se réclament, à
savoir l'idée qu'il y aurait une sorte de recette universelle du
bonheur, idée viciée dès le départ.
D'abord l'idée de bonheur est rarement la même pour tout le monde. Pour
l'un ce sera de mener une vie de perpétuel voyageur, pour un autre de
vivre sur son petit lopin de terre et de boire le coup avec les
copains. Leurs concepts de bonheur peuvent même être incompatibles
entre deux personnes.
Ensuite le bonheur ne se cherche pas, vu qu'il n'existe nulle part. Pas
de recette pour le trouver, donc. Il se construit ; et là, c'est à
chacun de créer sa brique pour lui et/ou, mais prudemment, pour les
autres qu'il connait personnellement.
Enfin la notion de bonheur est relative au malheur. Sans malheur un
monde parfait ne le serait plus, il serait la normalité, et la
normalité, on s'en contente rarement. C'est paradoxal, puisque s'il y a
du malheur quelque part, alors le bonheur est limité, et s'il n'existe
plus de malheur, rien ne permet d'affirmer que ce qui reste est du
bonheur.
Le bonheur ne peut être que partiel, et dans un fugitif moment : quand
l'horizon s'annonce serein, jusqu'au moment d'obtenir ce qu'on
souhaitait. Ensuite on souhaite de nouvelles perspectives pour
améliorer son sort, c'est donc qu'on est à nouveau insatisfait.
Certains voient justement la béatitude dans le contrôle de ses désirs.
Quand ce désir consiste à se procurer de la drogue, ce contrôle est
sûrement salutaire, ce sera l'exemple typique que nous donneront les
bouddhistes. Mais dans la vraie vie, il n'y a pas que des situations
concernant nos propres comportements.
Quand le désir est que son enfant atteint de mucoviscidose survive, la
leçon des bouddhistes se résume à un appel à la résignation. La
béatitude ne sera jamais du bonheur. C'est là qu'on comprend tout
l'intérêt du discours de Malhuret, du capitalisme, du libéralisme :
c'est la philosophie de l'action. Des choses nous emmerdent ? La
mucoviscidose ? Le coronavirus ? Eh bien ne l'acceptons pas, finançons
la recherche, produisont des médicaments en masse pour tout le monde,
et permettons aux acteurs de vivre des recettes de leur travail. Non
seulement le progrès, mais l'idée de possibilité de progrès, participe
aussi du bonheur.